Coronavirus et validisme.

Bonjour à toutes et à tous !

Comme vous l’avez certainement deviné à la lecture du titre, l’article du jour ne va probablement pas être le plus léger du blog ! Il me semble néanmoins intéressant d’aborder ce sujet et cela me ferait plaisir de pouvoir échanger avec vous à ce propos.
Cet billet ne se veut pas du tout exhaustif, ce sont avant tout des réflexions personnelles qui partent peut-être dans tous les sens, et je vous demande de rester bienveillant·e·s dans les commentaires si vous trouvez que j’exprime certaines idées de façon maladroite.

Je ne l’ai jamais abordé directement ici sur le blog, pourtant mon premier brouillon archivé à ce sujet est daté du 22 mars 2018 : je suis une adulte autiste, diagnostiquée très tardivement.
Même si elle est tout à fait déplorable (et dommageable pour nous), cela n’en reste pas moins une situation extrêmement courante pour les femmes autistes.

L’autisme est un fonctionnement neurologique différent. Bien qu’invisible, c’est également un handicap. Nier ou minimiser l’un ou l’autre n’a pas de sens selon moi.

J’essaierai de revenir sur toutes ces notions dans un futur article car il y a beaucoup à dire, à expliquer, mais je ne souhaite pas le faire aujourd’hui. Il me semblait néanmoins important de préciser un tout petit peu ma situation pour que vous compreniez bien d’où je parle.

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J’imagine que cela ne vous aura pas échappé, l’année 2020 est éprouvante pour la majorité d’entre nous, en grande partie à cause de la pandémie de Covid-19 par laquelle nous sommes actuellement touché·e·s.
En France, pays dans lequel je réside, un premier confinement strict de huit semaines a été mis en place au printemps et nous en traversons en ce moment-même un second, très différent du précédent, principalement car les établissements d’enseignement ne sont pas fermés, et que de nombreuses personnes continuent de se rendre sur leur lieu de travail.

Cela fait maintenant plusieurs semaines que je me pose des questions sur le traitement médiatique qui est fait de cette pandémie, sur les réactions de bon nombre de lecteurs et lectrices d’articles en ligne, ainsi que sur le discours de certaines personnes dont j’ai été témoin directement. Pas forcément dans mon entourage proche, mais plutôt chez de gens que j’ai pu côtoyer dans le cadre de mon activité professionnelle indépendante.

S’il me semble que nous sommes plutôt sortis du message très répandu au début de l’épidémie selon lequel le covid-19 ne serait pas plus dangereux ni important que la grippe (soit une minimisation/négation – volontaire ou non – de la situation), certain·e·s donnent l’impression d’avoir basculé vers autre chose d’un peu différent et de tout aussi problématique à mon avis : l’idée que de toute façon cela ne touche qu’une infime partie de la population, âgée et/ou moins en forme physiquement, et que ça n’est donc pas si grave que ça (soit un âgisme et un validisme assumés).

Je me permets en premier lieu de souligner que ceci est faux et que nous en avons maintenant la preuve. Des personnes jeunes, des personnes sans problèmes pré-existants, sont également touchées, y compris par des formes graves de la maladie.
Ensuite, le sous-texte de ce genre de propos me semble totalement effrayant car tout simplement rempli d’eugénisme. Pour schématiser grossièrement : certaines existences auraient plus de valeur que d’autres, et il ne serait donc pas si choquant de les sacrifier pour que les autres (plus jeunes, plus valides, en meilleure santé) puissent vivre normalement. Je ne sais pas vous, mais moi je trouve ça dangereux.

La distanciation physique, le port du masque, le respect de l’isolement si l’on attend les résultats de son test, etc, ne sont pas de méchantes inventions avec pour seule finalité la réduction de notre liberté individuelle ! Un peu comme les vaccins, ce sont des moyens de protéger tout le monde, et en particulier les plus vulnérables. Nous avons tous un rôle à jouer, même si on ne se sent pas directement concerné, et notre responsabilité est collective.
Refuser de voir cette réalité au nom de je ne sais quel principe, n’est-ce pas avant tout chercher à justifier un comportement égoïste et éviter de se remettre en question ?

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Concernant le confinement, je ne nie pas du tout les effets délétères qu’il engendre sur la santé mentale, c’est une réalité indéniable et cela serait vraiment malvenu de ma part.
Je ne peux cependant pas non plus m’empêcher de voir que ce que beaucoup de personnes considèrent en ce moment comme un quotidien difficilement supportable, ou encore une privation de liberté intolérable, n’est concrètement pas très éloigné du quotidien habituel des personnes handicapées sans ce que cela ne préoccupe grand monde.

Le fait de ne pas pouvoir aller au restaurant, boire un verre avec des ami·e·s, faire les boutiques, rentrer dans une galerie d’art, aller en cours, pratiquer un sport collectif… toutes ces choses que beaucoup prennent pour acquises sont bien souvent difficiles ou hors de portée pour les personnes handicapées. Que ce soit pour cause d’accessibilité physique impossible (villes, transports, commerces non ou mal adaptés aux fauteuils par exemple), ou pour des soucis moins évidents comme l’intensité de la lumière et/ou du son, ou encore les normes sociales stressantes (au hasard : faire la bise).
Oui ça parait con dit comme ça, mais je vous assure que lorsque vous n’arrivez pas à vous concentrer sur ce que vous devez prendre dans un rayonnage de magasin d’alimentation parce que la lumière est trop forte ou pas de la bonne couleur, c’est véritablement problématique dans la vie de tous les jours.

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Le travail est encore un autre cas bien particulier. Je lis très régulièrement des articles affirmant que le fait de ne pas être présent·e physiquement sur le lieu de travail (faut-il repréciser que les mesures actuelles sont temporaires ?) engendre tout un tas de troubles physio et psychologiques, des problèmes d’isolement, etc.
Je conçois et comprends tout à fait que ce soit effectivement une réalité pour beaucoup, mais cela n’en fait pas automatiquement une norme universelle que l’on peut présenter comme une vérité générale. Pour moi par exemple c’est même exactement l’inverse : être contrainte de me déplacer sur un lieu de travail et d’avoir des rapports sociaux imposés et superficiels avec des personnes non choisies m’épuise littéralement et je finis systématiquement, au bout d’une période plus ou moins longue, par ne plus être capable de le faire. Pourtant, comme ça n’est pas le cas dominant, ni celui valorisé par la société, il n’est pas vraiment reconnu ni compris. Pire : il est souvent totalement invalidé (combien de « oui mais c’est toujours bien de voir du monde et de sortir quand même »).

Le télétravail est un aménagement à la fois régulièrement demandé par les personnes neuroatypique (qui présentent des différences neurologiques – en gros un câblage du cerveau différent –  et dont les autistes font partie), et régulièrement refusé ou réduit le plus possible par les entreprises au prétexte qu’il est trop difficile à mettre en place.
Le fait qu’il soit pourtant en ce moment-même devenu la norme pour lutter contre la propagation du virus montre bien le poids du validisme de notre société qui refuse les aménagement aux personnes en ayant besoin tant qu’elle n’y trouve pas un intérêt direct.

(Edit 29/11/2020 : et je ne parle même pas de l’idée générale selon laquelle, dans notre société capitaliste et productiviste, l’individu est avant tout défini par son emploi rémunéré…)

Peut-être serait-il judicieux de prendre enfin réellement ces questions en compte, non ?

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Voilà pour mes petites réflexions du jour, le texte étant déjà bien assez long il ne me semble pas nécessaire d’en ajouter d’avantage !
Comme d’habitude, peut-être même plus encore, je vous encourage vraiment à venir partager votre avis, vos expérience, vos sources en commentaires ; ce serait réellement enrichissant pour tout le monde !

 


Sources et documents intéressants pour approfondir.

Covid et validisme :

Télétravail :

  • Ce qui se cache derrière les chiffres du télétravail en France // article de l’Institut Montaigne.
    Je précise que je ne partage pas du tout l’orientation capitaliste de cet institut mais cet article en particulier me semble néanmoins intéressant, notamment la partie sur la frilosité française face au télétravail, par rapport à des pays comme le Danemark ou les Pays-Bas par exemple, et qui peut s’expliquer par différentes particularités culturelles que je considère personnellement comme validistes.

Confinement, conséquences, santé mentale :

Profil de la population touchée par le virus :

  • Enquête nationale EpiCov // menée par la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques).
    Pour info, la tranche d’âge la plus touchée correspond aux 30-49 ans.

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L’image illustrant l’en-tête de cet article a été réalisée par thedarknut.

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5 Commentaires sur "Coronavirus et validisme."

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Chibi
Invité
3 années 11 mois plus tôt
Ah clairement, tu as bien raison de mettre ces éléments en lumière. Si les gens se sentent si peu concernés par ce problème et font de l’eugénisme, c’est parce que la société les pousse à être des individus plutôt que des membres du collectif, et ce depuis leur naissance. Chacun a fini par se désolidariser ou se désintéresser du groupe à plusieurs échelles (depuis l’échelle nationale jusqu’à parfois l’échelle familiale en passant par les structures locales). Ça n’arrange pas les autorités d’avoir affaire à des citoyens solidaires et concernés par les problèmes du voisin, ils pourraient reprendre le pouvoir et… Read more »
Megane Mercier
Invité
3 années 11 mois plus tôt
C’est vraiment super intéressant ! On ne parle que très peu de ce sujet, de n’importe quel sujet de minorités, ou de tout ce qui va sortir de la norme en fait. On n’appuie les problèmes à régler que là où il y a de l’argent à se faire. C’est d’un triste ! Personnellement, je suis perdue ces derniers mois. Ce deuxième confinement ne m’aide guère. Résumé: – Megane tu es confinée. – Ok, donc je reste chez moi? – Non tu vas à ton stage. – Dac, je vais en cours? – Non, visio, mais tu vas au stage.… Read more »
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