Je reviens aujourd’hui avec un texte qui tiendra probablement bien plus du billet d’humeur que de l’article de blog traditionnel.
Je souhaitais, pour ce retour, préparer un bilan de mes plus gros coups de cœur en matière de cosmétique naturelle et bio depuis que je me suis lancée dans l’aventure il y a presque 10 ans maintenant, une revue détaillée de la culotte menstruelle que j’ai pu tester ces derniers mois, ou encore différents articles sur l’Écosse. Sauf que…
Sauf que je viens de me faire agresser verbalement dans la rue de manière totalement gratuite par un homme à qui je n’avais bien-entendu absolument rien demandé.
Aujourd’hui, j’étais sous mon parapluie et au téléphone. Autant dire que je ne donnais pas vraiment l’impression de vouloir engager la conversation avec qui que ce soit.
D’habitude, je porte toujours un gros casque audio, signe ostensible et non équivoque qu’écouter les remarques diverses et variées des personnes que je croise n’est pas vraiment ma priorité
Pourtant ni le casque, ni le téléphone, n’empêchent certains individus de venir m’importuner (ou même de venir soulever le fameux casque pour me parler dans l’oreille… et non, ça n’est même pas une blague malheureusement).
Bizarrement (non), dans 99,99% des cas, les remarques proviennes d’hommes. Je n’ai à vrai dire qu’une seule expérience de harcèlement de rue par des jeunes filles (critique insistante sur ma couleur de cheveux atypique -orange fluo à l’époque- et mon apparence physique), et elle remonte très précisément à la fin de l’année 2011.
Alors que la dernière remarque subie dans la rue par un homme, au sujet de mes tatouages cette fois, remonte elle à… hier midi. J’avais mon casque mais il était tellement proche que je l’ai entendu quand même.
A peine 24h se sont écoulées entre ces deux dernières situations…
Aujourd’hui, je traversais la rue sur un passage piéton avec le feu au vert pour moi. Il a d’abord commencé par avancer avec son gros van noir pour mordre avec ses roues sur le passage protégé, a ensuite baissé la vitre côté passager, puis s’est penché pour me dire que je ne devrais pas m’habiller tout en noir, mais porter des couleurs. Il a ensuite ajouté « t’es belle, tu devrais mettre du jaune » (faut-il que je précise qu’il était, en plus d’être totalement con, également habillé tout en noir ou bleu marine très foncé je ne sais pas trop).
Je me retourne, toujours au téléphone, et lui réponds que je n’ai à aucun moment demandé son avis sur mon apparence. Il insiste et continue à me dire « tu devrais pas t’habiller en noir, tu devrais mettre de la couleur, tu devrais mettre du jaune, tu devrais ci, tu devrais pas ça, blablabla… »
Et moi je n’en peux plus de devoir subir tout le temps ces jugement non sollicités, infantilisants, objectivants. Et je n’en peux plus non plus que l’on nous dise constamment, à nous les femmes, qu’il ne faut pas répondre, qu’il faut laisser glisser, que ça peut être dangereux pour nous sinon, que c’est insignifiant, sans importance, pas grave.
Non, non, non. NON. C’est grave, ça n’est pas sans importance, ça n’est pas exceptionnel, ça arrive tout le temps et ça a des conséquences directes sur nos vies en nous forçant à nous poser des questions que nous ne devrions même pas avoir en tête (sur nos tenues, nos itinéraires, nos horaires etc…) et à envisager l’espace public différemment des hommes.
Je fais partie de celles qui ne veulent pas laisser passer ces comportements sous prétexte qu’ils ne sont « pas bien graves quand même », et ce matin je me suis montrée agressive face à ce mec d’une cinquantaine d’années. Je me suis approchée de son van en pointant mon gros parapluie et il a commencé à me menacer en me disant de faire attention à son camion et en sortant son téléphone pour me prendre en photo (je ne sais pas s’il l’a effectivement fait ou pas). Je rappelle que ce n’est pas moi qui suis allée le provoquer, mais bien lui qui est s’est permis de me faire des remarques sur mon apparence alors que j’étais au téléphone et que je ne l’avais même pas regardé. Ça n’est pas à moi de culpabiliser pour ma réaction, c’est à lui d’avoir honte de son comportement et de ses remarques. Ça il va falloir que tout le monde se le mette dans le crâne. Parce que, que vous le vouliez ou non, que cela vous plaise ou non, nous prendrons notre place !
Nous n’avons surtout pas à nous taire parce que cela remet en cause la petite vie bien tranquille des personnes qui profitent de ce système. Vouloir l’égalité pour toutes et tous n’est pas quelque chose dont nous devons avoir honte, les féministes ne sont pas des hystériques, la culture du viol est une réalité absolument irréfutable et documentée, le patriarcat est réel, et ne plus vouloir se laisser bouffer par ce système injuste n’est pas de l’extrémisme. L’impunité a assez duré et prendre conscience de ses privilèges n’est plus une option mais bien une réalité qu’il va falloir accepter et intégrer pour avancer. Personne n’a jamais dit que se remettre en question était confortable ni facile ; c’est pourtant nécessaire.
Et les « mecs biens » comme vous dites, gueulez donc avec nous au lieu de nous rabâcher que ça ne vaut pas la peine de s’énerver bon sang ! Ce système est pervers pour tout le monde, hommes comme femmes.
Photos : gauche (c) Blog Bio Nature // droite (c) Flavia Jacquier
Je parle aujourd’hui du sexisme et du féminisme mais les problèmes et les combats sont bien plus larges, ils se recoupent et sont tous issus des mêmes mécanismes oppressifs systémiques. Que cela concerne les femmes, les noir·e·s, les homosexuel·le·s, les trans, les handicapé·e·s, etc… il faut arrêter de faire passer les victimes pour des coupables et/ou des emmerdeurs et emmerdeuses, et les agresseurs pour des victimes.
Photo : (c) Breanna Louise / Unsplash
Pour aller plus loin sur les questions effleurées dans ce post :
- Une Culture du viol à la française / Valérie Rey-Robert
Livre très documenté, plein de chiffres à l’appui pour étayer nos propos et contrer nombre d’idées éculées mais pourtant tenaces. - Le Féminisme au masculin / Benoîte Groult
Portraits d’hommes féministes, de Fourier à Stuart Mill, écrits par une femme féministe de premier ordre. Une bonne réponse à ceux qui pensent encore que féminisme = volonté d’annihiler les hommes. - Des villes viriles / Podcast Les couilles sur la table
J’ai déjà évoqué cet épisode du podcast sur le blog, et je continue à vous encourager à l’écouter si ça n’est pas déjà fait.
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2 Commentaires sur "Nous prendrons notre place que cela vous plaise ou non."
Merci beaucoup pour ton passage ici et ton commentaire !
Effectivement, ça parait être la base de ne pas donner son avis s’il n’est pas sollicité, mais malheureusement cela ne va pas de soi pour tout le monde et c’est un peu déprimant 🙁